Nous sommes à la fin des années trente. Au-delà des frontières de l' Est, un moustachu vociférait des menaces que personne ne croyait. C' était un fou furieux, tout juste bon à enfermer.
Mes parents étaient un peu inquiets, car, des rumeurs disaient que des menaces plus précises s' étaient déjà concrétisées au pays du fou, et, qu' une fois de plus, les mêmes boucs émissaires étaient visés. Mais, ils étaient jeunes, encore jeunes mariés, et avec un couple d' amis, ils étaient décidés à profiter des premiers beaux jours de printemps, pour aller faire de petites virées touristiques.
Ce jour-là, ils partaient vers la frontière espagnole, et, passé le pont Saint Esprit à Bayonne, ils abordaient un autre monde : le Pays Basque.
Mon père avait fait là une partie de son service militaire. C' était, disait-il, assez cool. C' est après que cela s' était gâté.
Mais, en attendant, ils continuaient joyeusement leur route vers Biarritz. Ils étaient pressés de voir le fameux Rocher de la Vierge, si emblématique de la ville.
Au XVème siècle, ce rocher était une presqu'île nommée " Rocher de Curculon ", ce qui en gascon signifie : hauteur, point culminant.
C' est Napoleon III qui fit percer le rocher pour construire un port-refuge et une digue. Un viaduc de soixante seize mètres le relie à la côte. A l' origine passerelle en bois, elle a été remplacée en mille huit cent quatre vingt sept, par une passerelle métallique attribuée à tort, aux ateliers Eiffel.
En mille huit cent soixante cinq, une statue de la Vierge provenant des ateliers Ducel & Fils de Bordeaux fut érigée au sommet du rocher et lui donna son nom.
Suivant l' ordre des photos que j' ai dénichées dans une boite en carton, les voila à Hendaye où j' imagine qu' ils ont fait une pause baignade.
Et pourquoi pas, une visite au casino le soir ? Puis, ils ont repris la route pour l' Espagne. Peut-être pour faire comme mon ami et moi, bien des années aprés, pour aller boire un chocolat à la cannelle, ou acheter, à San Sebastian, des allumettes qu' il suffisait de frotter contre sa chaussure, façon cowboy, pour engendrer la flamme.
Alors, on allait au bout de la route française, pour passer une première barrière, enjamber la Bidassoa, franchir une seconde barrière, et changer de pays, de langue, de monnaie. C' était une autre aventure qui commençait. Une sorte d' allégresse perdue aujourd'hui ou changer de pays passe pratiquement inaperçu. Il y avait aussi, pour mes parents je ne sais pas, mais pour mon ami et moi, le délicieux frisson intérieur de se faire piquer, en ramenant, pour les copains, bien plus de cartouches de cigarettes qu' il n' était permis. (Il y a prescription !!!).
Le poste frontière a de nos jours disparu, et il a failli disparaitre sur cette photo qui était collée à une autre. Elle n' est pas belle, mais.........devenue un document presque historique.
S' étaient -ils arrêtés là ? Je ne sais pas. Je n' ai pas retrouvé d' autres photos. Ils sont donc revenus à Bordeaux, dans la ville d'avant que le fou de Berlin ne déclenche la tourmente, où il y avait encore les fontaines jumelles à chaque extrémité de la place Tourny,
Et avant qu' il ne décide de distribuer un autre genre de passeport pour un autre genre de voyage.