Ce puits est effectivement beau et.....énigmatique.Quel est cet atlante cornu qui soutient une partie de la margelle ?
Un satyre ? Mais il devrait avoir des pieds de bouc ! Un silène, dépouillé de son enveloppe hideuse pour révéler le dieu qui est en lui ?
Le puits représente " en même temps " la vie et la mort.
C'est sur sa margelle que se nouent les amitiés, les intrigues amoureuses. C'est un lieu féminin; Ce sont les femmes qui de toute éternité viennent chercher l'eau du puits, et, comme le dit ironiquement Jean Rameau, papotent, cherchent des histoires dans la Lune pour les colporter ensuite.
Mais le puits est aussi le trou sans fond qui communique avec le séjour des morts. C'est la porte du néant qu' empruntaient préférentiellement les candidats au suicide jusqu'au milieu du XXème siècle.
Que sont ces atlantes et cariatides qui en décorent les huit faces ?
Et cet Homme-Serpent qui semble défier le ciel ?
N'incarne t' il pas l' immortalité, l' infini, les forces souterraines créatrices de vie ?
Et d'ailleurs, cet infini se retrouve dans la forme octogonale du puits. Le nombre " 8 " n'est' il pas celui qui représente l'infini ? Celui de l'équilibre cosmique ? Le symbole de la transformation et de la renaissance ?
Le puits est aussi symbole de la connaissance; ne parle t'on pas de ces êtres qui sont de vrais " puits de science " ?
Mais c'est aussi celui du secret, de la dissimulation. La Vérité ne se cache t'elle pas au fond ?
Ce puits m'interpelle; que fait'il ici ? Le maître de ces lieux était sans doute enclin à la méditation philosophique et métaphysique. Mais en fait, quel meilleur endroit pour réfléchir à la vie, à la mort, qu' en pleine nature, au bord d' un fleuve qui, immuablement, s' écoule pour se jeter et se fondre dans le vaste océan. Et je ne sais pas pourquoi me revient ce petit poème anglais qu' André Maurois cite dans " Climat " :
From too much love of living
From hope and fear set free
We thank with brief thankgiving
Whatever God may be
That no life lives for ever
That dead men rise up never
That even the wearest river
Winds, somewhere, safe, to sea
( Délivrés d' un trop grand amour de la vie
Délivrés de l'espoir et de la crainte
Nous remercions brièvement
Dieu quel qu'il puisse être
De ce qu'aucune vie ne vit pour toujours
Que les morts ne se relèvent jamais
Que même la rivière la plus lasse
Surgit quelque part, sauve, dans la mer )