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Sur la rive gauche du Nil, à Assouan, au sommet de la première dune du désert
libyque, se tient un édifice de grès rose : le Mausolée de l' Aga Khan.
Bien que non ouvert au public, nous étions décidé à nous en approcher, ne serait-ce qu' en felouque.
Nous savions qu' il se trouvait là-bas, sur cette dune surplombant le fleuve au niveau de la première cataracte, et que nous l' apercevrions très vite.
Alors un matin, nous avions rendez-vous avec notre batelier préféré pour qu' il nous y conduise.
De l' hôtel jusqu' au ponton, nous traversions les féériques jardins, qui, s' il en avait été besoin,
nous auraient sûrement rendus de bonne humeur.
Mohammed Shah, Aga Khan III, était peut-être l' homme le plus riche du monde. Il était le quarante
huitième imam des Ismaéliens, branche de l' Islam chiite, qui fut très agissante au temps de Saint Louis, et dont le chef, Hassan Ibn Sabah, vivait dans une forteresse nommée Alamut, véritable
nid d' aigles dans les montagnes du nord de l' Iran. Ce chef était plus connu sous le nom de " Vieux de la montagne ", et il dirigeait la secte des " Haschischins ", ramassis d' assassins qui ont
terrorisé l' Orient et l' Occident.
J' ai lu, lors de sa parution en France en mil neuf cent quatre vingt huit, un livre " Alamut " écrit
en mil neuf cent trente huit par un érudit slovène Vladimir Bartol, et qui, à travers l'
histoire du Vieux de la montagne et de ses fedayin, analyse d' une façon étrangement prophétique, le terrorisme d' état et le fanatisme religieux, ainsi que les
mécanismes secrets sur lesquels sont fondées toutes dictatures.
Mais revenons en Egypte et à l' Aga Khan III. Il était un homme puissant et richissime. Tous les ans,
il était soumis au rituel de la pesée, au cours duquel on lui donnait son poids en argent, or, ou même diamants, comme ce fut le cas pour son Jubilé. Il était, bien sûr, très gros. Il avait
épousé, et elle fut sa dernière épouse, une française de trente ans sa cadette, qui avait été Miss France 1930. Bizarrement, ce fut une véritable histoire d' amour, et c' est elle qui, par
fidélité, fit c onstruire à Assouan, ce mausolée que nous avions déjà aperçu depuis l' hôtel Old Cataract, où nous étions allés prendre un five o'clock tea très british, sur les traces d' Agatha
Christie qui écrivit là " Mort sur le Nil ". C' était aussi l' hôtel préféré de Churchill et de Mitterrand qui y passait toutes les vacances de Noël.
Puis, la felouque obliqua vers la rive occidentale, et nous distingâmes le monument;
Approchant du ponton, nous vîmes devant nous le mausolée et la villa où logea jusqu' à sa mort en deux
mille, la Begum, titre équivalent à celui de reine, et que portait celle qui fit construire ce tombeau.
Cette villa était la résidence d' hiver du couple. Les fenêtres du bâtiment des femmes donnaient
uniquement vers le mausolée, afin que tous les jours, elles aient une pensée pour leur ancien seigneur et maître.
Selon la tradition fatimide, le mausolée est d' une extrême sobriété. Son style est copié sur celui de
la mosquée El Guyushi du Caire. A l' intérieur, le tombeau est en marbre de Carrare, gravé de versets du Coran avec une grande finesse.
L' Aga Khan mourut en mil neuf cent cinquante sept, le mausolée fut terminé deux ans plus tard.
Jusqu' à son propre décès, la Begum, fidèlement, déposait sur le tombeau, une rose rouge fraîche chaque
matin. Elle a été ensevelie dans ce mausolée.