Eh ! Qu'aimes-tu donc, extraordinaire Etranger ?
J'aime les nuages...Les nuages qui passent...Là-bas...Là-bas...Les merveilleux nuages (1)
Baudelaire est-il venu sous le grand ciel médocain pour écrire ses petits poèmes en prose, et interroger cet énigmatique étranger !
Je suis amoureuse des ciels du Médoc, ces ciels changeants, au-dessus de l'océan des pins.
Mon premier régal de la journée, c'est le matin, quand j'ouvre mes volets sur le lever du soleil, et que je reste là, dans un éblouissement sans cesse renouvelé.
J'aime cette lumière naissante qui joue sur les nuages, et crée un monde en technicolor. Parfois, le spectacle est moins riant, la noirceur a pris possession du ciel, et , seules, deux flèches d'or me disent que Sa Majesté le soleil est là, tapi au fond de l'horizon des arbres, prêt à tout éclabousser.
Parfois, l'hiver, le soleil se noie, mais comme pour un ultime cadeau, il incendie les nuages.
Et il y a ces merveilleux nuages des jours d'été, quand le ciel hésite entre le bleu immaculé et celui qu'il " piquète " de nuages blancs, par coquetterie pure.
Ils deviennent encore plus beaux quand ils se contorsionnent et se chargent de promesses d'orages, en assombrissant leur humeur.
Ils peuvent alors devenir menaçants et écrasants, et brusquement, fondre en grosses larmes chaudes.
Mais, aussi forts soient-ils, ils ne peuvent pas remplir d'un seul coup d'aile les grands espaces médocains. Il y a toujours, jusqu'à l'horizon sans fin, un coin de ciel bleu qui leur échappe.
Et aussi compacts qu'ils se fassent, menaçant de s'abattre pour étouffer les pins, une bande d'azur semble s'intercaler.
Et quand vaincus, ils paraissent renoncer, ils vont se consoler en se parant de la splendeur dont les revêt le soleil qui se couche.
Parfois je me dis que j'ai une grande chance de pouvoir apprécier la beauté de cette terre médocaine, en tant de points bénie des dieux, et je repense à Baudelaire :
Heureux
Celui dont les pensées, comme les alouettes,
Vers les cieux, le matin, prennent un libre essor,
Qui plane sur la vie, et comprend sans effort,
Le langage des fleurs et des choses muettes ! (2)
(1 : Petits Poèmes en prose - 1869) -- (2 : Elévation : Les Fleurs du Mal III - 1861)