Les Fourmis étaient inquiètes. On disait qu'un certain Cronibus parcourait clandestinement le royaume.
Bien que nul, jusque là, n'en ait entendu parler, la rumeur lui prêtait une cruauté inouie. Et de fait, il semblait frapper aveuglément quiconque avait le malheur de croiser son chemin.
C'est du moins ce que la rumeur affirmait.
Alarmé, le roi des Fourmis, dont le trône chancelait un peu, se dit qu'il aurait peut-être un moyen de le sauver, s'il parvenait à prendre des mesures efficaces.
Ses conseillers faisaient auprès de lui, assaut d'idées toutes plus farfelues les unes que les autres, preuve de leur incompétence notoire.
Le roi devait bien choisir. Il le fit en prenant la mesure qui lui semblait devoir lui apporter le soutien inconditionnel des Fourmis apeurées. Il décida de leur interdire toute sortie de chez elles.
Ainsi, Cronibus pouvait bien se promener dans les rues, il ne trouverait personne à martyriser, et de ce fait, gagné par un indicible ennui, il finirait par partir.
Mais les Fourmis étaient inconséquentes. A peine le roi avait-il fait claironner sa loi dans les rues par les crieurs publics, qu'elles furent de mauvaise humeur voulant continuer leur vie insouciante.
Le roi manda encore ses conseillers; l'un d'eux, particulièrement actif, le chevalier Médicus Véri, lui dit qu'il avait une idée qu'il pensait excellente pour calmer les Fourmis, en leur promettant qu'elles pourraient vivre à nouveau librement, en échange d'une petite formalité : porter un signe distinctif prouvant qu'elles s'étaient soumises à un stage de jiu jitsu.
Celui-ci devait intéresser surtout les vieilles Fourmis, moins aptes à se battre pour se défendre que les plus jeunes.
Mais voilà, les vieilles Fourmis regimbèrent.
* Eh quoi ! dirent-elles, si nos rhumatismes nous empêchent de nous battre, comment pourrions-nous pratiquer le jiu jitsu !!! mais c'est du n'importe quoi....ou alors on se moque de nous.
Le roi envoya une armée de crieurs des rues pour inciter les vieilles Fourmis à se rendre dans les salles de sport.. Beaucoup s'y rendirent, par crainte de punition, et, pour le plus grand plaisir des traumatologues et autres rhumatologues, mais, il y avait toujours des réfractaires qui faisaient la sourde oreille.
Puis, le ministre des phinances alerta le souverain :
* Messire le Roi, les meuniers sont fort en colère, les Fourmis transporteuses de grains de blé, ne viennent plus, elles ont trop peur de rencontrer Cronibus. Comment les boulangers vont-ils pouvoir faire le pain quotidien ?
* Bof ! fit le roi avec désinvolture, ils n'ont qu'à utiliser de la farine de pois chiches.
* Chiche ! S'exclamèrent certains boulangers frondeurs; le peuple sera mécontent et déposera ce roi ignare et sans empathie.
Et Cronibus pendant ce temps ???
On l'avait un peu oublié, de même la terreur qu'avait suscité la litanie des agressions que psalmodiaient chaque soir les crieurs publics.
On revoyait dans les rues, les vieilles Fourmis promenant en laisse leur microümin, de jeunes Fourmis jouant au pattball.........
Le roi était courroucé. Ses savants conseillers le poussaient à émettre des édits pour punir ce peuple désobéissant.
Il tergiversait, disant blanc le matin et noir le soir. Plus personne ne comprenait ce qui se passait vraiment. On en arrivait même à douter de la réalité de Cronibus.
Ainsi allaient les choses au royaume des Fourmis, ballotées de droite et de gauche, ne sachant plus vers quoi se tourner qui serait un peu plus stable !